Ithra: Le centre Roi Abdulaziz pour la culture mondiale, «Symbole de fierté, étincelle d’innovation»

Depuis la publication des actes du colloque « Les nouveaux centres culturels en Europe »[1] il y a 15 ans, les tendances identifiées par les auteurs ont continué à se confirmer, et ce non seulement dans le Vieux Monde. Il est frappant de constater comment les forces de la mondialisation se manifestent dans les centres culturels, notamment autour de la révolution numérique et de l’évolution des relations entre les individus et la société, avec de sensibles effets au niveau local. Je vous propose aujourd’hui d’envisager certaines des multiples facettes de ces phénomènes à travers un projet en Arabie Saoudite : Le centre Roi Abdulaziz pour la culture mondiale « Ithra ».

Ithra en arabe signifie enrichissement.

Un centre culturel au carrefour de la mondialisation

Interrogé dans un bulletin de Lord Cultural Ressources – firme canadienne spécialisée dans le domaine des musées – sur la façon dont les directeurs d’institutions culturelles font face au «changement culturel», Fouad Therman, ancien directeur du centre, situé à Dhahran, indiquait que le centre offrirait « un nouveau prototype culturel qui intègre sous un même toit diverses installations culturelles, y compris une bibliothèque publique de pointe, un musée pour les enfants, des musées d’arts visuels et du patrimoine Saoudiens, de la civilisation islamique et d’histoire naturelle, des archives, un grand Hall pour des expositions importantes provenant de l’extérieur du Royaume, des théâtres et un centre d’avant-garde pour la créativité des jeunes (…) ».

On pouvait se demander alors si la nouveauté du modèle évoqué se référait essentiellement à l’aspect de la localisation de ce centre, car nous savons que depuis un bon nombre d’années il existe beaucoup d’autres centres qui combinent ces types d’installations et d’activités culturelles. L’originalité réside dans d’autres dimensions. Déjà, si vous visitez le site internet du centre, vous constaterez que l’ensemble est logé dans un bâtiment emblématique qui est lui-même une œuvre d’art conçue par le célèbre cabinet d’architectes norvégien Snøhetta. Est-ce que ce sera un nouvel exemple de centre culturel où le contenant prévaut sur le contenu? Ouvert par étapes à partir de 2018, son ambitieux programme a montré au contraire une volonté de sublimer la relation entre les activités qui se déroulent en son sein et l’espace monumental: le bâtiment et ses installations couvrent 80,000 m2 et comprennent une bibliothèque de 4 niveaux, la tour Ithra avec 18 étages, le Idea Lab avec ses trois niveaux, l’exposition « Energy », le musée avec ses 5 galeries, un cinéma de 900 places, le Grand Hall de 1,500 m2 et le musée des enfants.

« Source de fierté »

Le symbole est très fort car le centre a été construit à l’endroit-même où pour la première fois du pétrole a été trouvé dans le pays. C’est certainement aussi une étape importante qui s’insère dans la compétition mondiale des villes – et même des pays – qui cherchent à se distinguer de leurs rivaux à travers leurs équipements culturels ou à s’approcher d’un certain modèle international (nettement occidental) : c’est précisément le cas dans certaines villes du Moyen-Orient comme Dubaï, pour ne pas mentionner ce qui se passe dans les grandes métropoles de Chine. Une vision actuelle de ces évolutions centrée sur les pays MENA ( Middle East and North Africa) peut être trouvée dans un rapport en anglais proposé par le centre, intitulé « La culture dans le XXIe s ».

À travers sa communication éloquente – qui a inspiré le titre de ce billet – nous comprenons que le centre entend participer à la compétition croissante entre les institutions culturelles elles-mêmes grâce à une projection internationale, qui consiste en la création d’une «marque» distinctive – qui peut se développer en termes commerciaux ou de marketing, mais aussi de savoir-faire et de formation – ce qui a déjà visiblement intéressé le Centre Georges Pompidou, le Louvre, la Tate Gallery, le musée Guggenheim, pour n’en nommer que quelques-uns. Vu de cette manière, nous pouvons toujours nous demander si l’originalité de la démarche s’exprimera par d’autres éléments.

Il est intéressant de noter que l’ancien directeur du centre n’a pas oublié de mentionner que le projet a été initié et qu’il est financé par la compagnie pétrolière nationale, la Saudi Aramco, probablement la société la plus riche du monde dans son secteur, intéressée à s’engager vers l’économie créative. En ce sens, et c’est encourageant, M. Therman citait le dialogue interculturel et l’innovation en tant que clés pour le succès du centre. Avant de connaître en détail l’ensemble du projet culturel, lequel a été préparé pendant des années, nous pouvions nous poser une série de questions concernant l’orientation dudit dialogue interculturel, dont l’approche est étroitement associée ici, à l’Ouest, au respect des droits de l’homme … quelle sera l’ouverture du centre vers l’extérieur ainsi qu’à l’intérieur du propre pays (quelle place pour les résidents et les résidents étrangers …)? Sous quels prismes sera construit le dialogue interculturel? Peut-on espérer la création d’une perspective commune? C’est sans aucun doute une expérience enrichissante qui se construit actuellement dans ce domaine.

Technologies numériques et dialogue interculturel

Nous pouvons d’ailleurs constater que chez Ithra l’innovation culturelle est amplement associée à la composante du dialogue interculturel et qu’elle peut impliquer une grande spécialisation dans ses activités, comme en témoigne la volonté de se concentrer sur les technologies de l’information et de la communication liées aux arts et à la culture, comme c’est le cas dans de nombreux centres culturels ou des espaces comme Le Cube ou La Gaîté Lyrique en France, le Medialab-Prado en Espagne, sans oublier évidemment le ARS ELECTRONICA CENTER à Linz, entre autres, ainsi que des centres qui se redéfinissent en ce sens, comme le Centre Culturel Général San Martin à Buenos Aires, conservant toujours le principe de l’ouverture à l’interdisciplinarité.

Des aspects des installations du «Idea Lab» de Ithra

L’art, la connaissance, la créativité, la culture et la communauté: les piliers de Ithra

Depuis son ouverture, le centre ITHRA avait déjà accueilli plus de 1,6 millions de visiteurs en 2021. Il a aussi été inclus dans la liste du TIME magazine des 100 destinations à visiter dans le monde.

Il est évident que la programmation a joué un rôle tout aussi crucial que la nouveauté de son concept au niveau local et national. Il faut mentionner dans ce sens que Ithra a reçu en 2021 le prix national des instituts culturels.

Avant d’évoquer l’impact de la pandémie sur les activités du centre d’après son directeur, Hussain Hanbazazah, arrêtons-nous sur quelques éléments caractéristiques du programme du centre.

Le festival Tanween

Le festival de créativité annuel du centre a pour titre Tanween et son édition 2021 avait pour thème « Outils – Créativité artisanale ». Au cours de 3 semaines, plus de 25,000 visiteurs ont participé aux diverses activités du festival : musicales, artistiques, de dialogue et de réseautage, ainsi que présentation de talents et d’expériences.

EXPOSITIONS

En matière d’expositions, « Shatr Al-Masjid: l’art de l’orientation » présente la plus importante collection d’art islamique jamais montrée dans le Royaume. C’est le résultat de partenariats sans précédents au niveau national et international, y compris avec le Conseil suprême d’antiquités égyptiennes.

Par ailleurs, l’exposition « Voir et percevoir » propose 25 oeuvres d’art de 20 artistes contemporains, dont des installations ou des pièces commandées spécifiquement pour l’occasion.

Le développement durable a déjà fait partie des thèmes des expositions de Ithra. Ainsi, l’exposition « Terra » organisée en partenariat avec Arcadia Earth s’est appuyée sur le pouvoir de l’art pour créer des expériences mémorables tout en offrant un point de vue local sur les défis globaux tels que la rareté de l’eau, la qualité de l’air et la pollution des matières plastiques. Une première en Arabie Saoudite, l’exposition s’est alignée avec les objectifs environnementaux du Royaume dans le cadre de l’agenda 2030 pour le développement durable. Les artistes invités étaient Basia Goszczynska, Daniel Popper et META. (Mai-septembre 2021).

Cinéma: production et présence internationale

Le centre a déjà développé sa réputation en tant que leader de production de films en Arabie Saoudite et a participé au 74 Festival de Cannes ainsi qu’au Festival international de cinéma de la Mer Rouge, le premier du Royaume.

Le Prix d’art Ithra

Cette initiative annuelle commencée en 2017 a pour but de récompenser un projet d’oeuvre originale et d’en permettre la création. Elle était au départ ouverte au niveau national, mais en 2021 l’appel a été élargi aux artistes contemporains résidant dans l’un des 22 pays arabes. Le gagnant reçoit une enveloppe monétaire (jusqu’à $100,000) pour la création de son oeuvre, celle-ci est présentée lors de la Biennale Ad-Diriyah (la première du Royaume) et fait partie de la collection permanente d’art du centre Ithra. Le prix 2021 a été attribué à Nadia Kaabi-Linke, artiste Tunisienne-Ukrainienne basée à Berlin. Sa création « E Pluribus Unum – A Modern Fossil » montre un regard réflexif sur l’un des effets de la pandémie: la diminution du traffic aérien, lequel soulève des questions sur comment l’humanité mesure le progrès et la croissance économique.

Initiative «sync»

En lien avec l’utilisation croissante des nouvelles technologies auprès de la population, il est intéressant de citer l’initiative « Sync » : une plate-forme qui met l’accent sur la recherche et des conversations concernant le bien-être numérique (digital wellbeing). Il s’agit concrètement d’étudier le rôle et l’impact de la technologie sur les vies du public en général.

Ces technologies de l’information ont joué un rôle considérable lorsque nous avons été confrontés à la pandémie et à ses corollaires : confinements, restrictions dans l’espace public, conditions de voyage changeantes… pour conclure ce billet, abordons le cas de Ithra dans le contexte de la COVID-19.

Comprendre et agir pendant la pandémie

Questionné sur l’impact de la pandémie de la COVID-19 au Centre Ithra, son directeur, Hussain Hanbazazah, a répondu à Newsweek Magazine (Country reports) qu’au départ ils ont réfléchi sur leur mission, laquelle consiste à « inspirer les coeurs et enrichir les esprits ». Alors que les portes du centre étaient fermées, il ont ouvert des fenêtres numériques avec des plate-formes et des activités opportunes. « Par exemple, nous avons demandé aux gens de partager leurs émotions durant la pandémie, ce qu’il est possible de voir sur le Journal COVID-19 de notre site internet. Alors qu’on aurait pu penser que les gens se seraient ennuyés ou qu’ils auraient peur, une partie était optimiste, ce qui nous a surpris: ces personnes parlaient d’avoir reçu une chance pour refaire connaissance avec elles-mêmes, avec leurs familles et les personnes qu’elles aiment, ainsi que pour explorer leurs forces et leurs intérêts. Nous avons atteint plus de 1,7 millions de visiteurs à travers ces plate-formes et avons été capables de nous connecter bien au-delà des frontières de l’Arabie Saoudite.

Nous avons aussi collaboré avec des agences internationales. Les artistes ont beaucoup souffert de la pandémie en raison de la fermeture de cinémas, théâtres et d’autres lieux culturels; il y avait des limites pour la présentation de leur art. Avec l’UNESCO, par exemple, un mouvement appelé ResiliArt a été créé pour discuter de l’impact sur les artistes et comment nous pourrions nous appuyer sur le COVID-19 en tant qu’une opportunité pour la croissance. Nous souhaitons agir comme un pipeline pour la créativité en ces périodes difficiles ».

[1] Gómez De La Iglesia, Roberto (Dir.), Los Nuevos Centros Culturales En Europa, Grupo Xabide, Vitoria-Gasteiz, 2007, 348 p.

Le Réseau «Femmes pour la Culture» s’est réuni à Saint-Domingue du 22 au 25 novembre 2017

La capitale de la République dominicaine a récemment accueilli la cinquième réunion internationale de ce réseau culturel d’Amérique Latine appelé en espagnol «Mujeres por la Cultura«. Cette édition –  la première à avoir lieu dans un pays des Caraïbes – a été organisée en collaboration avec le Ministère de la culture et le Ministère de la femme de la République dominicaine, le Festival culturel «Hermanas Mirabal» et la Fondation «Proyecta Cultura».

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Le but de cette rencontre était de promouvoir l’échange d’expériences qui rendent compte des apports de la femme à travers une optique culturelle et une perspective de genre. Il a aussi été question de promouvoir la formation et le développement professionnel des femmes dans le domaine culturel ainsi que dans celui de la prévention et l’élimination de toute forme de violence de genre. Plus particulièrement, les principes d’autonomisation des femmes proposés par l’UNIFEM et le Pacte mondial des Nations Unies ont constitué le substrat des réflexions.

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Le programme a proposé des conférences, des ateliers, des expositions et des visites d’études. Les participantes provenaient de divers pays, comme le Chili, le Mexique, l’Argentine, l’Équateur, la Colombie, le Pérou, l’Uruguay, le Brésil, Haïti, la République dominicaine, entre autres.

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La quatrième réunion du réseau, à Buenos Aires, s’est décidément inscrite dans le cadre du mouvement de protestation «Pas une seule femme en moins» (Ni una menos).

Mais… qui a peur du Réseau «Femmes pour la Culture»?

Si le titre de ce paragraphe évoque clairement une célèbre pièce de théâtre (et son adaptation au cinéma), il fait aussi allusion à la brillante exposition de l’Orangerie et du Musée d’Orsay «Qui a peur des femmes photographes?» qui a questionné en 2016 la participation des femmes dans l’histoire de la photographie, non pas sous l’angle d’une ‘vision féminine’, mais en termes de territoires des genres (physiques et symboliques) et de stratégies de succès (critique et commercial; d’élargissement des périmètres…). Ces axes de réflexion originaux et pertinents m’ont spécialement fait penser à ce réseau culturel latino-américain dont l’enthousiasme des participantes me semble particulièrement contagieux.

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Membres du Réseau «Mujeres x Cultura» réunies à Quito, Équateur en décembre 2015

Un réseau enthousiaste et enthousiasmant!

Le réseau est né dans le cadre du 9ème Campus Euroaméricain de Coopération Culturelle de Cuenca, Équateur, en 2012. De manière autonome, et au-delà des collaborations qui se sont développées entre les membres du réseau, des rencontres internationales ont déjà été organisées dans quatre pays différents:

  • 1ère édition à Santiago, Chili, en 2013
  • 2ème édition à Cuernavaca, Mexique, en 2014
  • 3ème édition à Quito, Équateur, en 2015
  • 4ème édition à Buenos Aires, Argentine, en 2016

En effet, avant la réunion en République dominicaine, leur conférence précédente a eu lieu au Centre culturel Recoleta de Buenos Aires du 14 au 17 décembre 2016, sous la forme d’une résidence. Une brève vidéo de la télévision publique argentine nous fait vivre l’atmosphère créative et de réflexion qui a régné à cette occasion.

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Diseño: Carolina Cavale – Cuore

«Mujeres x la Cultura» s’est donné pour objectifs principaux la reconnaissance et la consolidation du rôle de la femme dans le développement culturel, à travers des espaces d’échange d’expériences, de savoirs et d’immersion, pour la réflexion et le débat – tant individuels que communautaires – en incorporant les nouvelles perspectives des femmes latino-américaines.

«Nous sommes des femmes de couleurs très différentes. Nous ne pensons pas de la même manière. Nous ne sommes ni du même signe politique ni de la même religion. Nous ne sommes pas toutes mères ni femmes mariées. Certaines sont plus jeunes, certaines plus âgées. Nous sommes la diversité même et dans cette même diversité nous partageons et nous construisons».

J’ai eu le plaisir d’échanger à propos du réseau avec deux de ses membres qui sont très impliquées dans ses activités: Romina Bianchini (co-fondatrice) et Susana Salerno, toutes les deux activistes et expertes en politiques culturelles. Voici quelques éléments sur leur motivations pour contribuer au développement du réseau, tantôt présentés sous forme d’entretien, tantôt complétés à partir des comptes-rendus de leurs activités (traduits et adaptés, le cas échéant, par mes soins).

Un réseau de femmes… ?

Rafael Mandujano : «Je vais jouer à l’avocat du diable. Depuis une ‘perspective masculine’, pourquoi un ‘réseau de femmes‘ alors que nous vivons des temps où la transversalité, la diversité culturelle, les rencontres de cultures, entre autres, sont nos paradigmes? Bien sûr, j’ai déjà une idée de vos raisons, mais j’aimerais connaître vos idées à ce propos».

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Romina Bianchini : «Je pense que le réseau se base sur ces paradigmes-là. Ce n’est pas parce que c’est un réseau de femmes qu’il ne prend pas en compte la transversalité; de même, si à l’origine le réseau émerge à partir de la rencontre d’administratrices de projets culturels (gestoras culturales), il n’est pas exclusivement composé de cette catégorie professionnelle. Le réseau propose précisément la transversalité au niveau des âges, des connaissances, des savoirs-faire, des points de vue, et ainsi de suite, en vue d’un objectif commun: la visibilité du rôle de la femme dans le développement culturel. C’est aussi cela lorsque nous parlons de rencontre entre les cultures; dans ce réseau sont réunies des femmes indigènes (1) avec des femmes afro-américaines, des femmes rurales, des femmes urbaines, chacune avec ses initiatives propres et son propre parcours, provenant de ‘mondes différents’, et qui se réunissent afin de travailler ensemble pour le développement d’une communauté conçue par des femmes du secteur culturel. (…) Si tu me demandes pourquoi le réseau est né et si c’est seulement pour les femmes, nous disons que c’est une invitation ouverte, en dialogue, dans laquelle ‘les masculinités’ sont présentes: des hommes ont participé aux rencontres, et à diverses reprises nous avons co-produit avec ‘leur complicité’; il y a des administrateurs culturels qui soutiennent et mettent en valeur ce processus auquel tous ceux qui luttent pour l’équité et ‘l’empowerment’ des femmes doivent participer. Je souhaite mettre en valeur aussi la contribution ‘activiste’ de collègues et de familles qui, depuis d’autres situations (comme le champ privé), accompagnent notre participation dans le réseau, dans le cadre de nos rencontres autogérées et auto-déterminées qui nous emmènent à confluer lors de notre réunion annuelle ‘auto-convoquée’. Celle-ci nourrit notre développement professionnel et personnel, dans un espace conçu pour nous-mêmes par nous-mêmes (ndlr: au féminin en espagnol ‘por nosotras para nosotras’). C’est pour cela que le réseau est fondamentalement composé par des femmes, mais cela ne veut pas dire que ce soit ‘un ghetto’- cela est une condition première pour nous».

foto_susi_2Susana Salerno nous renseigne pour sa part sur l’origine du réseau: «Des femmes collègues, amies, camarades… nous trouvions que les meilleurs thèmes – ceux non traités dans les programmes officiels des congrès culturels – surgissaient et se débattaient horizontalement, dans le contexte des cafés et des espaces plus décontractés. C’est là que les échanges s’envolaient passionnément, que l’académique s’entrelaçait avec la vie quotidienne, que le savoir cohabitait avec la sagesse, sans appréhension ni étiquettes». Pour Susana, le réseau est «un manteau où s’abritent des femmes et des hommes qui veulent modifier les discours et les styles officialisés dans le domaine culturel».

Romina m’a également parlé de ce point de départ, et dont les conséquences se ressentent clairement dans ses commentaires précédents. Elle tient à rappeler certaines constatations sur la composition des panels des conférences, sur la manière d’aborder les thèmes… «Nous croyons à l’importance de construire nos narratives propres (…) en nous questionnant sur notre travail… est-ce qu’il y a une manière différente de gestion du point de vue des femmes (plus 360°, plus sensibles, plus intuitives, plus complexes?). Nous sommes convaincues du besoin de garantir l’équité des opportunités pour que les femmes puissent participer pleinement à la vie culturelle, et ce en tant que droit humain».

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Un réseau stimulant, au sens collectif, généreux

Rafael: Qu’est-ce qui vous excite le plus dans votre participation au réseau ?

Romina: «La construction collective, basée sur le respect, la reconnaissance, les liens personnels qui se tissent, dans le cadre d’un espace où nous nous rencontrons pour des ‘raisons professionnelles’ spécifiques du domaine culturel et dans le contexte de la situation des femmes au niveau mondial (…) C’est un espace où le politique et l’individuel vont de pair. Nous bâtissons une communauté de femmes, qui travaillent ensemble, en faveur des droits de toutes les femmes».

Susana: «Moi, ce qui m’enthousiasme le plus… c’est l’enthousiasme du réseau! C’est comme si nous étions de vieilles amies qui se retrouvent, et à chaque fois c’est nouveau, c’est généreux; personne n’est pas là pour briguer une chaire, on dit ce qu’on pense, on pose des questions, on partage, on visite. Cela me rend heureuse. Cela nous permet de prendre de l’air et de redémarrer (…), et nous incite à nous dépasser et à ne pas tomber dans des stéréotypes: ne pas préjuger, tête et corps disponibles pour recevoir, modifier, donner… nous participons à un voyage de découverte à chaque fois».

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Des conférences aux programmes riches, variés et ancrés sur de besoins concrets

En effet, un simple parcours d’un programme de leur rencontre annuelle permet de cerner l’ample portée de leurs ambitions.  Par exemple, celui de Quito qui apparaît sur leur site internet (en espagnol, cliquez sur l’image).

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Quito 2015, Programme, 1/2

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Quito 2015, Programme, 2/2

Rafael: Vous étiez intervenantes lors de la rencontre de Quito, est-ce que vous pourriez partager avec nous des idées sur le contenu de vos présentations qui vous semblent essentielles ?

Romina:  «A Quito, il m’a semblé très important de proposer une présentation qui donne matière à controverse, sur les mauvaises féministes, c’est à dire, en reconnaissant nos contradictions; il faut être conscient que ces contradictions se déroulent dans la réalité et qu’elles vont au-delà du niveau personnel. Cela nous demande de nous engager pour le développement de stratégies créatives, sensibles, liées à la lutte pour l’équité et contre les violences, les abus et les sexismes, dont nous souffrons quotidiennement, et qui dépassent nos situations personnelles. Cette réalité historique et universelle doit nous retrouver unies et actives si nous ambitionnons un changement culturel; un changement de paradigme que nous considérons prioritaire, en tant que femmes, et ce à partir du secteur culturel. Après avoir expliqué ce cadre général, ma présentation s’est focalisée sur l’analyse de la situation des femmes à l’intérieur du secteur culturel et sur le nécessaire travail en réseau pour faire face à cette situation».

Susana: «Pour ma part, j’ai décidé de participer en organisant un atelier (cela fait déjà deux éditions). Depuis des années, je souhaitais mettre en mouvement les administrateurs de projets culturels (…) et j’ai trouvé une technique théâtrale, la méthode des actions physiques, qui m’a semblé pertinente pour ce faire. Je dois ajouter que mon idée de départ a évolué à partir de sa mise en pratique, notamment lors des événements des «43 disparus» au Mexique. En effet, j’ai guidé cet atelier juste quelques jours après ces faits, et alors que sur nos têtes survolaient des hélicoptères, nous nous sommes retrouvés à réagir viscéralement en dansant, telle une rencontre ancestrale. Cela a été une révélation, la technique prenait là une tout autre dimension. Pour l’anecdote, j’ai souhaité changer le nom de l’atelier pour qu’il s’appelle ‘Taller de Amorosidad‘ (jeu de mots intraduisible avec ‘amour’, ‘a-morosité’…) mais on lui préfère le nom plus formel ‘Méthode des actions physiques pour la gestion culturelle'».

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Susana Salerno avec Felipe Mella et Rafael Mandujano lors du Campus euroaméricain de coopération culturelle à Las Palmas de Gran Canaria, décembre 2010.

Les étapes suivantes de la vie du réseau

RafaelQuelles sont les prochaines activités du réseau, à court et moyen terme?

En plus de la rencontre internationale du 14 au 17 décembre 2016 à Buenos Aires, Romina signale que «nous soutenons des projets locaux et des initiatives des membres du réseau qui favorisent l’articulation entre les participants, par exemple à travers les réunions ‘Féminas’ (en Argentine, au Chili) où les projets lient les femmes et leurs territoires. Nous faisons également des dynamiques 2.0 à travers les réseaux sociaux, pour développer des campagnes sur les droits des femmes. Nous avons un projet portant sur des ateliers de formation en matière du genre dans le domaine des politiques publiques de la culture, et de sensibilisation sur les droits culturels des femmes. Nous souhaitons aussi lancer des projets de recherche sur la relation des femmes et le patrimoine (thème de la dernière rencontre). Et nous abordons activement la production collaborative de la prochaine conférence; nous avons décidé de développer des liens avec d’autres réseaux de femmes et d’inciter la participation d’organisations dans le domaine de la coopération.»

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Visiblement, le réseau «Mujeres x la Cultura» n’a pas, quant à lui, peur de porter de hautes ambitions! Parmi de nombreux réseaux culturels, il fait preuve de pertinence et d’énergie partagée. Je suis sûr que dans les années à venir le réseau continuera à connaître un grand succès!

Le réseau a une page Facebook que je vous recommande – très active notamment lors de leurs rencontres. Si vous comprenez l’espagnol, n’hésitez pas à visiter le site ‘Mujeres x Cultura‘ pour plus d’information.

1: Indigènes: Personne native du pays où elle vit et où ses ascendants ont vécu depuis une époque reculée (http://www.cnrtl.fr/definition/indigène)

Biographies

Romina Bianchini (Argentine)

romi_profile_arts_summitEn 2003, Romina a créé la plate-forme internationale d’administrateurs culturels “Proyecta Cultura”. Romina est coordinatrice du Réseau d’Art Urbain ‘Neural’ depuis 2011. Elle travaille actuellement au Centre Culturel Recoleta, à  Buenos Aires,  au sein du département des contenus.Activiste des droits de l’homme, Romina a travaillé depuis 2004 en tant qu’éducatrice dans le cadre d’ateliers sur les droits culturels dans plusieurs communautés à travers l’Amérique Latine et les Caraïbes. Elle est spécialiste dans le domaine de la création et de l’administration de réseaux culturels internationaux pour la coopération au développement, et elle est consultante indépendante dans le domaine culturel depuis plus de 16 ans. Elle est aussi intervenante à l’Université National de La Plata (Diplôme technique de musique populaire).

Récemment, Romina a été intervenante lors du 7ème Sommet Mondial des Arts et de la Culture, à La Vallette, Malte, en octobre 2016.

Susana Salerno (Argentine)

foto_susi_fbActrice, productrice et administratrice culturelle. Au-delà d’un longue expérience dans le domaine du théâtre et du cinéma en tant qu’actrice, Susana a aussi une riche carrière en matière des politiques culturelles et de la coopération (coordinatrice des relations publiques et de la coopération internationale au sein du Ministère de la Culture de la Ville autonome de Buenos Aires).

Elle a organisé les rencontres des Coalitions pour la diversité culturelle à Buenos Aires en vue de la préparation de la Convention pour la diversité culturelle de l’UNESCO.

Susana a participé à de nombreux colloques, séminaires, festivals et congrès internationaux. Elle a aussi préparé et géré le projet ‘L’art contre la discrimination’ pour l’INADI. Elle développe des ateliers pratiques basés sur des techniques théâtrales. Susana travaille actuellement pour la télévision publique argentine.

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Qui a peur du Réseau «Femmes pour la Culture»?

Si le titre de ce billet évoque clairement une célèbre pièce de théâtre (et son adaptation au cinéma), il fait aussi allusion à la brillante exposition de l’Orangerie et du Musée d’Orsay «Qui a peur des femmes photographes?» qui a questionné la participation des femmes dans l’histoire de la photographie, non pas sous l’angle d’une ‘vision féminine’, mais en termes de territoires des genres (physiques et symboliques) et de stratégies de succès (critique et commercial; d’élargissement des périmètres…). Ces axes de réflexion originaux et pertinents m’ont spécialement fait penser à un réseau culturel d’Amérique Latine appelé «Mujeres por la Cultura«, femmes pour la culture, dont l’enthousiasme des participantes me semble particulièrement contagieux.

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Membres du Réseau «Mujeres x Cultura» réunies à Quito, Équateur en décembre 2015

Un réseau enthousiaste et enthousiasmant!

Le réseau est né dans le cadre du 9ème Campus Euroaméricain de Coopération Culturelle de Cuenca, Équateur, en 2012. De manière autonome, et au-delà des collaborations qui se sont développées entre les membres du réseau, des rencontres internationales ont déjà été organisées dans quatre pays différents:

  • 1ère édition à Santiago, Chili, en 2013
  • 2ème édition à Cuernavaca, Mexique, en 2014
  • 3ème édition à Quito, Équateur, en 2015
  • 4ème édition à Buenos Aires, Argentine, en 2016

La plus récente édition a eu lieu au Centre culturel Recoleta de Buenos Aires du 14 au 17 décembre 2016, sous la forme d’une résidence.

«Mujeres x la Cultura» s’est donné pour objectifs principaux la reconnaissance et la consolidation du rôle de la femme dans le développement culturel, à travers des espaces d’échange d’expériences, de savoirs et d’immersion, pour la réflexion et le débat – tant individuels que communautaires – en incorporant les nouvelles perspectives des femmes latino-américaines.

«Nous sommes des femmes de couleurs très différentes. Nous ne pensons pas de la même manière. Nous ne sommes ni du même signe politique ni de la même religion. Nous ne sommes pas toutes mères ni femmes mariées. Certaines sont plus jeunes, certaines plus âgées. Nous sommes la diversité même et dans cette même diversité nous partageons et nous construisons».

J’ai eu le plaisir d’échanger à propos du réseau avec deux de ses membres qui sont très impliquées dans ses activités: Romina Bianchini (co-fondatrice) et Susana Salerno, toutes les deux activistes et expertes en politiques culturelles. Voici quelques éléments sur leur motivations pour contribuer au développement du réseau, tantôt présentés sous forme d’entretien, tantôt complétés à partir des comptes-rendus de leurs activités (traduits et adaptés, le cas échéant, par mes soins).

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Diseño: Carolina Cavale – Cuore

Un réseau de femmes… ?

Rafael Mandujano : «Je vais jouer à l’avocat du diable. Depuis une ‘perspective masculine’, pourquoi un ‘réseau de femmes‘ alors que nous vivons des temps où la transversalité, la diversité culturelle, les rencontres de cultures, entre autres, sont nos paradigmes? Bien sûr, j’ai déjà une idée de vos raisons, mais j’aimerais connaître vos idées à ce propos».

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Romina Bianchini : «Je pense que le réseau se base sur ces paradigmes-là. Ce n’est pas parce que c’est un réseau de femmes qu’il ne prend pas en compte la transversalité; de même, si à l’origine le réseau émerge à partir de la rencontre d’administratrices de projets culturels (gestoras culturales), il n’est pas exclusivement composé de cette catégorie professionnelle. Le réseau propose précisément la transversalité au niveau des âges, des connaissances, des savoirs-faire, des points de vue, et ainsi de suite, en vue d’un objectif commun: la visibilité du rôle de la femme dans le développement culturel. C’est aussi cela lorsque nous parlons de rencontre entre les cultures; dans ce réseau sont réunies des femmes indigènes (1) avec des femmes afro-américaines, des femmes rurales, des femmes urbaines, chacune avec ses initiatives propres et son propre parcours, provenant de ‘mondes différents’, et qui se réunissent afin de travailler ensemble pour le développement d’une communauté conçue par des femmes du secteur culturel. (…) Si tu me demandes pourquoi le réseau est né et si c’est seulement pour les femmes, nous disons que c’est une invitation ouverte, en dialogue, dans laquelle ‘les masculinités’ sont présentes: des hommes ont participé aux rencontres, et à diverses reprises nous avons co-produit avec ‘leur complicité’; il y a des administrateurs culturels qui soutiennent et mettent en valeur ce processus auquel tous ceux qui luttent pour l’équité et ‘l’empowerment’ des femmes doivent participer. Je souhaite mettre en valeur aussi la contribution ‘activiste’ de collègues et de familles qui, depuis d’autres situations (comme le champ privé), accompagnent notre participation dans le réseau, dans le cadre de nos rencontres autogérées et auto-déterminées qui nous emmènent à confluer lors de notre réunion annuelle ‘auto-convoquée’. Celle-ci nourrit notre développement professionnel et personnel, dans un espace conçu pour nous-mêmes par nous-mêmes (ndlr: au féminin en espagnol ‘por nosotras para nosotras’). C’est pour cela que le réseau est fondamentalement composé par des femmes, mais cela ne veut pas dire que ce soit ‘un ghetto’- cela est une condition première pour nous».

foto_susi_2Susana Salerno nous renseigne pour sa part sur l’origine du réseau: «Des femmes collègues, amies, camarades… nous trouvions que les meilleurs thèmes – ceux non traités dans les programmes officiels des congrès culturels – surgissaient et se débattaient horizontalement, dans le contexte des cafés et des espaces plus décontractés. C’est là que les échanges s’envolaient passionnément, que l’académique s’entrelaçait avec la vie quotidienne, que le savoir cohabitait avec la sagesse, sans appréhension ni étiquettes». Pour Susana, le réseau est «un manteau où s’abritent des femmes et des hommes qui veulent modifier les discours et les styles officialisés dans le domaine culturel».

Romina m’a également parlé de ce point de départ, et dont les conséquences se ressentent clairement dans ses commentaires précédents. Elle tient à rappeler certaines constatations sur la composition des panels des conférences, sur la manière d’aborder les thèmes… «Nous croyons à l’importance de construire nos narratives propres (…) en nous questionnant sur notre travail… est-ce qu’il y a une manière différente de gestion du point de vue des femmes (plus 360°, plus sensibles, plus intuitives, plus complexes?). Nous sommes convaincues du besoin de garantir l’équité des opportunités pour que les femmes puissent participer pleinement à la vie culturelle, et ce en tant que droit humain».

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Un réseau stimulant, au sens collectif, généreux

Rafael: Qu’est-ce qui vous excite le plus dans votre participation au réseau ?

Romina: «La construction collective, basée sur le respect, la reconnaissance, les liens personnels qui se tissent, dans le cadre d’un espace où nous nous rencontrons pour des ‘raisons professionnelles’ spécifiques du domaine culturel et dans le contexte de la situation des femmes au niveau mondial (…) C’est un espace où le politique et l’individuel vont de pair. Nous bâtissons une communauté de femmes, qui travaillent ensemble, en faveur des droits de toutes les femmes».

Susana: «Moi, ce qui m’enthousiasme le plus… c’est l’enthousiasme du réseau! C’est comme si nous étions de vieilles amies qui se retrouvent, et à chaque fois c’est nouveau, c’est généreux; personne n’est pas là pour briguer une chaire, on dit ce qu’on pense, on pose des questions, on partage, on visite. Cela me rend heureuse. Cela nous permet de prendre de l’air et de redémarrer (…), et nous incite à nous dépasser et à ne pas tomber dans des stéréotypes: ne pas préjuger, tête et corps disponibles pour recevoir, modifier, donner… nous participons à un voyage de découverte à chaque fois».

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Des conférences aux programmes riches, variés et ancrés sur de besoins concrets

En effet, un simple parcours d’un programme de leur rencontre annuelle permet de cerner l’ample portée de leurs ambitions.  Par exemple, celui de Quito qui apparaît sur leur site internet (en espagnol, cliquez sur l’image).

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Quito 2015, Programme, 1/2

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Quito 2015, Programme, 2/2

Rafael: Vous étiez intervenantes lors de la rencontre de Quito, est-ce que vous pourriez partager avec nous des idées sur le contenu de vos présentations qui vous semblent essentielles ?

Romina:  «A Quito, il m’a semblé très important de proposer une présentation qui donne matière à controverse, sur les mauvaises féministes, c’est à dire, en reconnaissant nos contradictions; il faut être conscient que ces contradictions se déroulent dans la réalité et qu’elles vont au-delà du niveau personnel. Cela nous demande de nous engager pour le développement de stratégies créatives, sensibles, liées à la lutte pour l’équité et contre les violences, les abus et les sexismes, dont nous souffrons quotidiennement, et qui dépassent nos situations personnelles. Cette réalité historique et universelle doit nous retrouver unies et actives si nous ambitionnons un changement culturel; un changement de paradigme que nous considérons prioritaire, en tant que femmes, et ce à partir du secteur culturel. Après avoir expliqué ce cadre général, ma présentation s’est focalisée sur l’analyse de la situation des femmes à l’intérieur du secteur culturel et sur le nécessaire travail en réseau pour faire face à cette situation».

Susana: «Pour ma part, j’ai décidé de participer en organisant un atelier (cela fait déjà deux éditions). Depuis des années, je souhaitais mettre en mouvement les administrateurs de projets culturels (…) et j’ai trouvé une technique théâtrale, la méthode des actions physiques, qui m’a semblé pertinente pour ce faire. Je dois ajouter que mon idée de départ a évolué à partir de sa mise en pratique, notamment lors des événements des «43 disparus» au Mexique. En effet, j’ai guidé cet atelier juste quelques jours après ces faits, et alors que sur nos têtes survolaient des hélicoptères, nous nous sommes retrouvés à réagir viscéralement en dansant, telle une rencontre ancestrale. Cela a été une révélation, la technique prenait là une tout autre dimension. Pour l’anecdote, j’ai souhaité changer le nom de l’atelier pour qu’il s’appelle ‘Taller de Amorosidad’ (jeu de mots intraduisible avec ‘amour’, ‘a-morosité’…) mais on lui préfère le nom plus formel ‘Méthode des actions physiques pour la gestion culturelle'».

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Susana Salerno avec Felipe Mella et Rafael Mandujano lors du Campus euroaméricain de coopération culturelle à Las Palmas de Gran Canaria, décembre 2010.

Les étapes suivantes de la vie du réseau

RafaelQuelles sont les prochaines activités du réseau, à court et moyen terme?

En plus de la toute récente édition de la rencontre internationale du 14 au 17 décembre 2016 à Buenos Aires, Romina signale que «nous soutenons des projets locaux et des initiatives des membres du réseau qui favorisent l’articulation entre les participants, par exemple à travers les réunions ‘Féminas’ (en Argentine, au Chili) où les projets lient les femmes et leurs territoires. Nous faisons également des dynamiques 2.0 à travers les réseaux sociaux, pour développer des campagnes sur les droits des femmes. Nous avons un projet portant sur des ateliers de formation en matière du genre dans le domaine des politiques publiques de la culture, et de sensibilisation sur les droits culturels des femmes. Nous souhaitons aussi lancer des projets de recherche sur la relation des femmes et le patrimoine (thème de la dernière rencontre). Et nous abordons activement la production collaborative de la prochaine conférence; nous avons décidé de développer des liens avec d’autres réseaux de femmes et d’inciter la participation d’organisations dans le domaine de la coopération.»

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Visiblement, le réseau «Mujeres x la Cultura» n’a pas, quant à lui, peur de porter de hautes ambitions! Parmi de nombreux réseaux culturels, il fait preuve de pertinence et d’énergie partagée. Je suis sûr que dans les années à venir le réseau continuera à connaître un grand succès.

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Le réseau a une page Facebook que je vous recommande – très active notamment lors de leurs rencontres. Si vous comprenez l’espagnol, n’hésitez pas à visiter le site ‘Mujeres x Cultura‘ pour plus d’information.

1: Indigènes: Personne native du pays où elle vit et où ses ascendants ont vécu depuis une époque reculée (http://www.cnrtl.fr/definition/indigène)

Biographies

Romina Bianchini (Argentine)

romi_profile_arts_summitEn 2003, Romina a créé la plate-forme internationale d’administrateurs culturels “Proyecta Cultura”. Romina est coordinatrice du Réseau d’Art Urbain ‘Neural’ depuis 2011. Elle travaille actuellement au Centre Culturel Recoleta, à  Buenos Aires,  au sein du département des contenus.Activiste des droits de l’homme, Romina a travaillé depuis 2004 en tant qu’éducatrice dans le cadre d’ateliers sur les droits culturels dans plusieurs communautés à travers l’Amérique Latine et les Caraïbes. Elle est spécialiste dans le domaine de la création et de l’administration de réseaux culturels internationaux pour la coopération au développement, et elle est consultante indépendante dans le domaine culturel depuis plus de 16 ans. Elle est aussi intervenante à l’Université National de La Plata (Diplôme technique de musique populaire).

Récemment, Romina a été intervenante lors du 7ème Sommet Mondial des Arts et de la Culture, à La Vallette, Malte, en octobre 2016.

Susana Salerno (Argentine)

foto_susi_fbActrice, productrice et administratrice culturelle. Au-delà d’un longue expérience dans le domaine du théâtre et du cinéma en tant qu’actrice, Susana a aussi une riche carrière en matière des politiques culturelles et de la coopération (coordinatrice des relations publiques et de la coopération internationale au sein du Ministère de la Culture de la Ville autonome de Buenos Aires).

Elle a organisé les rencontres des Coalitions pour la diversité culturelle à Buenos Aires en vue de la préparation de la Convention pour la diversité culturelle de l’UNESCO.

Susana a participé à de nombreux colloques, séminaires, festivals et congrès internationaux. Elle a aussi préparé et géré le projet ‘L’art contre la discrimination’ pour l’INADI. Elle développe des ateliers pratiques basés sur des techniques théâtrales. Susana travaille actuellement pour la télévision publique argentine.